jeudi 10 avril 2008

Témoignage d'une maman de deux enfants précoces

Après avoir laissé un message sur un forum, une maman a non seulement accepté de répondre à nos question mais nous a laissé un témoignage très touchant de la façon dont elle et ses enfants vivent la précocité.
Ce témoignage nous a permis de nous rendre compte non seulement du côté pratique de la situation (école, psychologues, tests...) mais aussi de la façon dont une famille vit cela, de ce que ressentent les enfants et les parents.

Voici le témoignage d'Anne


Bonjour,

Afin de répondre à vos questions j'ai pensé vous raconter ce que nous avons vécu depuis le mois de septembre 2007, à l'entrée de ma fille en CP et jusqu'à aujourd'hui, avril 2008, date à laquelle nous avons eu les résultats du test de mon fils.

Tout d'abord, je me présente : je suis maman de 4 enfants. Mon mari est ingénieur et je suis mère au foyer. Mon fils ainé a 9 ans et est en CE2. ma fille a 7 ans et est en CE1. Mon troisième a 5 ans et est en moyenne section. Et ma petite dernière a 27 mois et ne va pas à l'école.

Pour commencer je tiens à préciser qu'en juin 2007, alors que ma fille fréquente la grande section et commence à lire toute seule, son enseignante m'avertit qu'elle risque de sauter le CP en cours d'année. Je ne m'alarme pas, n'insiste pas, persuadée que cela ne se fera pas et n'ayant aucune envie de lui faire sauter une classe.

Septembre 2007 : elle entre donc en CP. Nos relations à la maison sont de plus en plus conflictuelles et agressives. J'en parle à une de ces enseignantes (elle en avait 2 en CP) que je connais bien afin de savoir comment elle se comporte en classe. Tout va bien ; aucun souci sauf qu'elle s'ennuie peut-être, étant donné qu'elle sait lire.
Novembre 2007 : ma fille commence le CE1 à mi-temps, sans avoir vu la psychologue scolaire. N'étant pas du tout prête à accepter le saut de classe, ni préparée non plus à cette éventualité, je consulte une psychologue privée pour qu'elle passe les tests (WISC III). J'ajoute que la psychologue scolaire avait l'intention de le faire mais qu'étant débordée, la date tardait à arriver. J'avais surtout peur de sa deception si elle était maintenue en CP. Je n'avais, bien entendu, pas du tout décelé sa précocité, contrairement aux enseignantes.
17/11/07 : ma fille passe les tests psychométriques. Un très bon moment pour elle !
23/11/07 : c'est le jour des résultats. Elle fait donc partie des enfants précoces avec un QI de 137. Nous découvrons un monde totalement inconnu pour nous. C'est un peu comme un coup de massue pour les parents, pas du tout prêt à affronter cette réalité ! Je courre à la librairie, à la bibliothèque, sur internet, complètement désemparée. La psychologue préconise le saut de classe dans les plus brefs délais.
25/11/07 : je remets les résultats aux enseignantes qui transmettent à la psychologue scolaire qui la reçoit en urgence (!).
26/11/07 : Elle rencontre (enfin) la psychologue scolaire et intègre le CE1 à 100 %. Elle est ravie, métamorphosée. Nos relations à la maison deviennent beaucoup plus paisibles avec de temps en temps des conflits dans le quotidien : les enfants précoces détestent la routine (ranger, s'habiller, ... peuvent devenir très pénibles pour tout le monde !).

décembre 2007 : je prends rendez-vous avec la psychologue pour mon aîné, assez intraverti, puisse se situer par rapport à la précocité de sa soeur, le saut de classe. Au bout de 2 séances, la psychologue me conseille d'aller voir une graphothérapeute (mon fils se plaint du poignet quand il écrit, ne supporte plus la vue d'un crayon, déteste écrire, ne veut plus aller à l'école et a très mal aux ventres le dimanche soir, ne se sent pas bien le lundi matin).
Entre-temps, je commence à avoir des doutes sur sa précocité, persuadée qu'il a de nombreuses caractéristiques : il est dysgraphique, il est isolé par rapport aux enfants de son âge et a des difficultés d'intégration ; il dévore les livres ; le sentiment d'injustice lui est insupportable ; il est hypersensible ; il a beaucoup d'humour ; il a une soif de savoir, est toujours dans le questionnement depuis très longtemps ; il ne supporte pas l'échec. Autant de caractéristiques qui m'amène à prendre rendez-vous avec la psychologue pour passer les tests. Elle me conseille de le faire d'autant plus qu'il manque de confiance en lui depuis que sa soeur a fait les tests et a sauté une classe (il sait déjà qu'il est comme elle et se sent différent des autres).

15/03/08 : Mon fils attend ce moment depuis un petit bout de temps et pose la question de la date régulièrement. Il est ravi de tous ces petits jeux et lui aussi passe un bon moment (WISC III également).

22/03/08 : c'est le jour des résultats. Même si je connais la réponse, c'est un nouveau coup ; mon fils a un QI de 151 et fait donc partie des 0,1% de la population, pas facile à encaisser. Cela explique beaucoup de choses mais maintenant il va falloir gérer l'école, les copains... Il est actuellement en CE2, s'ennuie évidemment. La psychologue préconise le saut de classe du CM2 ou alors l'idéal serait qu'Antoine fasse un CM1-CM2 l'année prochaine.

25/03/08 : j'en parle au directeur. Il est sceptique sur les résultats ; il le trouve immature, trop petit par rapport aux enfants plus âgés... Il doit en parler à la psychologue scolaire... On attend...
J'en parle également à son enseignante, qui ne comprend pas non plus, car ses résultats ne sont pas exceptionnels, a des problèmes d'écriture, d'orthographe...

29/03/08 : j'ai rendez-vous avec la psychologue (privée) pour qu'elle m'aide à prendre du recul. Finalement mon fils étant souffrant, nous y allons ensemble car je le trouve très triste en ce moment. Il évoque un incident en classe (double punition collective et refus de faire une punition) puis les récréations (il erre seul en faisant des tentatives pour intégrer les groupes, se faisant "jeter" la plupart du temps, et puis "ruminant" tout seul...).

A ce jour, ce sont les vacances scolaires et nous revivons pendant ces moments où l'école disparaît de notre vie et où nous pouvons mener une vie "normale" sans le stress des autres ! Toujours pas de nouvelles de la psychologue scolaire... je verrai après les vacances s'il y a du nouveau ou pas... Une chose est sûre le troisième trimestre va être long pour eux, très très long et très très triste probablement....
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Quels sont vos sentiments par rapport à cette situation?

Pour l'instant, je suis très préoccupée par cette situation, car l'avenir m'inquiète surtout pour Antoine qui n'est pas heureux à l'école. Ma fille a trouvé un nouvel équilibre en sautant une classe mais tout peut être remis en question dès qu'elle n'aura plus de difficultés dans cette classe.

Vos enfants se sentent-ils différents?

Oui mes enfants se sentent différents.
Ma fille a développé une complicité avec la maîtresse. Elle trouve que les autres enfants n'ont pas d'humour et qu'ils ne comprennent pas les blagues de la maîtresse mais elle s'intègre très bien avec les enfants qui ont 1 an de plus qu'elle (et une tête aussi car elle est très petite et très menue).
Mon ainé m'a déjà confié que si un enfant lui faisait une remarque ou se moquait il lui dirait qu'il avait peut-être de la chance d'apprendre vite ou de savoir beaucoup de choses dans certains domaines, mais que cela lui posait d'autres problèmes pas facile à gérer (sensibilité par exemple ; il pleure très facilement en classe ou au cinéma...).

Ont-ils une scolarisation adaptée?

Pas vraiment. Les enfants doivent se fondre dans le moule, qu'ils soient en difficulté ou pas.
Mon fils est en difficulté en ce moment et sa scolarité n'est pas adaptée. Son enseignante ne comprend pas du tout ce qu'il se passe et ne connaît rien à la précocité. Le directeur m'a confié qu'il aurait pû sauter son CP s'il n'avait pas eu de problème d'écriture... Malgré mes appels je n'ai pas l'impression d'être entendue...
Quant à ma fille, elle a eu de la chance de pouvoir sauter une classe grâce à ses enseignantes. Cela ne veut pas dire qu'elle ne sera pas en difficulté l'année prochaine (cela dépendra de l'enseignante qu'elle aura ; le relationnel et l'affectif sont des facteurs très importants pour les enfants précoces).


Voilà mon témoignage ; je ne pense pas avoir tout abordé mais l'essentiel j'imagine. Vous aurez sans doute remarqué que je n'emploie pas le mot surdoué que je n'aime pas, je lui préfère précoce.