mardi 4 mars 2008

Enfants surdoués, enfants fragiles

Les surdoués, dotés de fortes capacités intellectuelles, n'en tirent pas toujours bénéfice. Leurs besoins spécifiques restent souvent méconnus.

Les associations de défense des enfants à gros intellect ont bien fait leur travail. Le sujet est surmédiatisé, les parents s'inquiètent à la première difficulté scolaire, les psys croulent sous les demandes d'évaluation de QI... Le marché de la précocité se porte bien. Résultat : on n'a jamais rencontré autant de "surdoués". Combien, parmi eux, possèdent véritablement une intelligence hors norme ? Et combien sont simplement stimulés, au-delà du raisonnable, par des parents lancés dans la course à la performance, prêts à crier au génie parce que le petit-qui-n'a-pas-encore-trois-ans parle comme le Larousse ?

Car le "surdoué" véritable (ou "précoce", aucun de ces termes, de l'avis même des spécialistes, n'étant véritablement satisfaisant) n'est pas seulement fortement en avance dans son développement intellectuel sur les enfants de son âge. Il est aussi hypersensible, créatif, curieux de tout et tout le temps. Anxieux, intuitif et plutôt solitaire, il présente souvent une "dyssynchronie" entre niveau intellectuel et niveau psychomoteur (il lit très tôt et très bien, mais écrit de façon déplorable). Le décalage est plus criant encore entre intelligence et maturité affective : le même raisonneur qui, le jour, cherche avec une logique implacable à comprendre le fonctionnement du monde peut continuer d'avoir peur du loup et des sorcières jusqu'à un âge avancé... Et le besoin de câlins de ce grand émotif est souvent plus fort et plus tardif que chez les autres enfants.

Fille ou garçon, issu de milieu modeste ou aisé, intellectuel ou non : au-delà des modes et des abus de langage, l'enfant surdoué existe bel et bien. Et son sort, c'est là tout le paradoxe, n'est pas toujours enviable. Fragiles, parfois inadaptés, la moitié des enfants identifiés comme précoces ne feront pas d'études supérieures, voire connaîtront l'échec scolaire. Les enseignants, qui ont d'autres soucis, se penchent rarement sur leur cas, et estiment pour la plupart avoir assez à faire avec les enfants intellectuellement ou socialement désavantagés. Que ceux qui ont la chance d'être plus intelligents que les autres se débrouillent ! Raisonnement idéologiquement correct, mais aux conséquences concrètes souvent catastrophiques.

On peut, bien sûr, être un enfant précoce et grandir sans problème. Beaucoup d'entre eux sont heureux, bien dans leur peau, confiants dans leur avenir. Mais pour ceux qui s'ennuient à mourir à l'école, qui ne s'adaptent ni aux copains ni aux adultes, la vie peut devenir un cauchemar. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, la précocité pose réellement problème.

Pourquoi ces difficultés ? Parce que la singularité première du surdoué, contrairement à ce que l'on croit trop souvent, n'est pas tant d'être plus intelligent : c'est d'être doté d'une intelligence autre.

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